Issu d'une famille de séminaristes amoureux et de bandits décapités, Guy-Rachel Grataloup est un peintre ésotérique et mystique. Son spiritualisme bat dans un cœur de mathématicien, son goût du spectre coloré le renvoie à Goethe autant qu'à Kandinsky. Sa manière géométrique s'enrichit d'un goût pour les pigments purs et les métaux, et ne lui interdit pas un sens très actuel de l'installation.
Il a obtenu un prix de Rome, fréquenté la Casa Vélasquez, accompagné Support-Surface comme BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni). Mais, échappant aux normes et aux écoles, il a découvert sa voie propre : il se définit comme un nouveau symboliste (et nourrit d'ailleurs une profonde passion envers Puvis de Chavanne).
L'art de Grataloup sonne particulièrement juste dans les édifices religieux. Il fait actuellement, à Lyon, rayonner au-delà d'elle-même la chapelle de la Trinité en ses atours baroques. Une installation d'une impressionnante richesse y coupe le souffle : murs intérieurs contant l'aventure incomprise de Bernadette de Lourdes ; longue cimaise montée au milieu de l'église, comme un mur supplémentaire le long duquel la Genèse se déploie recto verso en fresque ; chemin de croix en quinze stations installé au déambulatoire de l'étage ; tout cela se clôt sur une haute Tente du Prophète en drap d'or, couverte de passages de l'"Exode", nantie d'une échelle dressée vers l'inconnu, et qui se détache sur une paroi recouverte de triangulations initiatiques.
Chacun des éléments de cet ensemble outrepasse le cadre dans lequel il paraît s'inscrire. Ainsi de la série évoquant l'apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous dans la grotte de Massabielle (1848) , au delà de l'anecdote touchante, il est en fait question de ces sublimes épouvantes pascaliennes qui parfois nous saisissent.
Toutes les toiles monumentales illustrant l'illumination sont structurées à l'identique, en bandes horizontales parallèles aux couleurs éclatantes. L'éther s'élève au-dessus d'un aluminium central et miroitant, sous lequel la grotte décline d'œuvre en œuvre divers moments du mystère, dont ls avatars ne sont clairement perceptibles qu'à un esprit prévenu. Mais la variation sur une structure intangible évoque chez tous une phrase musicale, discrètement descriptive, du caractère changeant de l'émotion. La promenade devant ces panneaux tout à la fois abstraits et récitatifs devient inconsciemment pèlerinage...
De même la suite de douze travaux qui, dans les trois couleurs primaires, illustrent la Genèse, a certes un thème biblique. Cependant, devant ces hommes luttant à mort pour une femme offerte, ou face à un prisme céleste qui domine sous lui la Terre, qui ne songerait à l'universel ?
Béatrice Comte - Critique d'Art - Article paru dans le Figaro magazine - 31 octobre 2003
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