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BIOGRAPHIE

ORIGINES FAMILIALES

1898 – 1934

 

Après son départ du petit séminaire, mon père est parti de chez ses parents avec son frère Henri en laissant un panneau accroché à la porte de l’appartement sur lequel était écrit : « Mort aux vaches ».


Il venait de rencontrer ma mère. Elle l’a alors accueilli chez elle. Il avait un réveil pour tout bagage.

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Jean Alfred Marie Grataloup

Jean Alfred Marie Grataloup naît à Lyon le 22 juin 1910 dans une famille bourgeoise très fortunée qui possède de nombreux immeubles à Lyon. Son père est rentier. La famille se rend souvent en villégiature à Nantua, dans le célèbre Hôtel de France2. Aîné d’une famille de cinq garçons, il est, dès l’âge de seize ans, envoyé par ses parents étudier au petit séminaire. Les trois autres garçons de la fratrie, Henry, Yves et Alain suivront le même chemin (François, né en 1917, est décédé la même année, à l’âge d’un an). Révolté par ces années d’études qui ne correspondent pas à un choix de sa part, il quitte le petit séminaire et prend certaines distances avec sa famille.

Adèle Joséphine Durochat, naît à Argis (Bugey) le 27 octobre 1898. Elle passe son certificat d’études et devient première du canton mais ne peut poursuivre car sa famille est trop pauvre et elle doit travailler pour gagner sa vie. Elle part à Lyon et va apprendre le métier d’apprentie-couturière aux Deux Passages à Lyon.

Adèle Joséphine Durochat

NANTUA

1935 – 1940

 

Nantua, c’est ma mère en train de construire un manteau, le couper et le modeler sur le mannequin.  C’est aussi la neige que je regarde tomber en hiver sur les sapins en face de ma fenêtre. Et l’été, c’est le lac avec l’aventure d’un petit bateau en celluloïd appelé « Normandie ».

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Le petit Rachel GRATALOUP dans les bras de son père à Nantua

Adèle est de douze années plus âgée que Jean. C’est une fille de la campagne. Son père, Émile Durochat était contremaître dans une usine, et ce jusqu’à sa mort peu après la première guerre mondiale. Sa mère, Antoinette, est vigneronne au moment du mariage de Jean et Adèle. Pour les parents de Jean, le mariage est une mésalliance et la famille accepte mal l’âge d’Adèle. Mais cette dernière est enceinte. Le mariage a donc lieu le 22 décembre 1934, à Argis. Le couple emménage à Nantua où Jean, grâce aux relations de son père, va exercer le métier de typographe dans une imprimerie. Adèle, quant à elle, va travailler comme coupeuse-modéliste dans le petit appartement loué par le couple, non loin de l’Hôtel de France.


Rachel Guy Grataloup naît le 4 juin 1935. Étrange prénom que celui de Rachel ! Son père l’a en effet déclaré de façon peu commune pour un enfant de sexe masculin. Regrettait-il de ne pas avoir eu de fille ? Il semblerait que ce soit en effet le cas. Les nombreuses photos de Rachel enfant le montrent avec une barrette dans les cheveux. Son père sera le seul à le prénommer ainsi et ce jusqu’à sa mort, en 1953. Sa mère, quant à elle, l’appellera toujours par son deuxième prénom : Guy.


L’enfant va passer les cinq premières années de sa vie à Nantua dont les paysages resteront à jamais gravés dans sa mémoire. Le lac, les forêts de sapins, la montagne, seront toujours pour lui une perpétuelle source d’inspiration pour sa peinture.

LES ANNÉES DE GUERRE

1940 – 1944

Avec ma grand-mère, l’après-midi, on allait, soit dans la vigne, soit au jardin. C’était obligatoire et les gamins qui m’attendaient pour jouer, faisaient une haie jusqu’à ce que je sois libéré des travaux champêtres. Les deux choses – le travail des champs et celui des jeux – étaient une joie.

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Au moment de la déclaration de guerre, Grataloup a quatre ans. Sa famille quitte Nantua pour Dijon, où son père est mobilisé. De ce séjour à Dijon, le jeune Grataloup gardera le souvenir du bombardement de la gare et des voies ferrées par l’aviation allemande. Caché sous l’arche d’un pont avec sa mère, il voit les bombes incendiaires et leurs geysers de feu, lesquels frapperont son imagination d’enfant. Plus tard, il y aura, dans sa peinture, le souvenir transposé de ces feux expressifs.

Grand-mère maternelle de GRATALOUP

Tandis que le drame et la guerre enveloppent la France, l’Europe puis la planète entière, Rachel, comme bien d’autres petits Français de cette époque, vit en partie à la campagne, dans le Bugey. Il fréquente l’école communale d’Argis où habite sa grand-mère maternelle. En sa compagnie, il s’initie aux travaux des champs. Il fait les vendanges à ses côtés, coupe et rattache la vigne, va pêcher dans l’Albarine1. Il qualifiera ces années passées auprès d’elle des « plus heureuses de sa vie » et gardera toujours en son cœur cette grand-mère très aimée.


À Argis, il contemple la Roche de Narce, falaise impressionnante dont on retrouvera la trace dans l’un des « archétypes » de sa peinture.

LES ANNÉES D’ÉCOLE

1945 – 1950

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La famille revient à Lyon et s’installe à la Croix-Rousse, dans un petit appartement d'un quartier assez mal fréquenté. C’est l’époque des cartes d’alimentation et des longues files d’attente souvent constituées d’enfants – parmi lesquels le jeune Grataloup –. Dans l’atelier de sa mère, qui travaille comme coupeuse modéliste, les dessins à la craie et les coupes de tissus fascinent le jeune garçon. 


Puis la famille est hébergée dans un grand appartement d’un des immeubles appartenant aux grands-parents paternels. Rachel et sa mère y sont très heureux. C’est un bel appartement, dans l’un des beaux quartiers de Lyon.


Grataloup fréquente le collège puis le lycée. C’est un très bon élève. Les études ne lui posent aucun problème. Son père le confie à un de ses amis, Jovo Kneta, pour qu’il lui dispense une éducation littéraire. Il lui fera connaître Nietzsche, qui le passionne. À l’âge de quatorze ans, le jeune Grataloup crée « Manuscrit le Journal des J32 », qui sera placé sous la présidence d’Édouard Herriot, alors Maire de Lyon.

 

« Manuscrit le Journal des J3 »


On parlait du lycée, de la vie
après le lycée, du travail à venir
et puis des actualités des J3.
On a demandé à Édouard
Herriot de présider le journal
et il a accepté. Il a trouvé que
c’était très intéressant d’avoir
un journal qui parlait de l’avenir
des jeunes après la guerre.

LES ANNÉES SOMBRES

1950 – 1953

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Par manque d’argent et esprit de révolte contre son milieu, son père décide à nouveau de déménager pour un petit appartement dans le troisième arrondissement de Lyon. Cette période est extrêmement difficile pour le jeune Grataloup. L’appartement jouxte une fonderie. Exigu et bruyant à cause de ce voisinage qui empêche ses occupants de dormir la nuit, il est assez excentré, dans un quartier ouvrier. Pour le jeune homme, entre son père et sa mère, la vie est difficile. Le couple ne s’entend pas très bien et il se trouve souvent pris à partie à l’occasion de violentes querelles.


Le jeune Grataloup s’inscrit au « Cercle des nageurs de Lyon », ce qui lui permet d’entretenir sa musculature. Il a en effet un dos fragile, dû à la malnutrition de la guerre. Il s’inscrit aux cours du soir, dans une annexe des Beaux-Arts, au collège Saint-Jean. Il loue une ancienne épicerie l’Économique dont il fait son atelier. C’est une époque de sa vie qu’il qualifiera de « sombre ». 

Le 5 octobre 1950, sa grand-mère adorée meurt d’un cancer, plongeant le jeune homme dans une grande tristesse. L’année 1953 est terrible pour Rachel et sa mère. Son père meurt. Grataloup a 17 ans. Sa mère ne gagne que peu d’argent et le jeune homme doit arrêter ses études pour travailler.

GRATALOUP et Madeleine Lambert

À dix-sept ans, lors d’un monôme étudiant, il rencontre Madeleine Lambert avec qui il se fiancera deux années plus tard. Madeleine s’intéresse elle aussi à la peinture et ils ont tous deux de nombreux points communs.

 

Mon père avait été un peu trop proche de la vigne de ma grand-mère et du plomb quotidien de l’imprimerie…

LES ANNÉES DE LABEUR

1953 – 1955

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GRATALOUP (à gauche) pendant un cours du soir aux Beaux-Arts en 1954

 

À 17 ans, j’avais vu ce qu’était le labeur. J’allais aux cours du soir dans une annexe des Beaux - Arts avec un professeur qui nous faisait dessiner des plâtres. Ensuite, je suis allé les copier dans les combles de la faculté de droit.  C’était là mes humanités.

Il rentre au journal « Le Progrès » à Lyon, où il travaille la nuit. Il y transcrit les résultats sportifs du jour. La journée, il dort et continue de rédiger ses articles pour le «Journal des J3». Épuisé par ce travail de nuit, il décide de quitter le quotidien et entre comme employé chez un ingénieur géomètre, auprès de qui il apprend les mathématiques pratiques à travers les «ouvrages d’art». Il se rend sur les chantiers pour vérifier les normes indiquées sur les plans. Cet apprentissage lui permettra de se familiariser un peu plus avec les mathématiques. Il est ensuite employé aux Hospices Civils de Lyon comme aide comptable. Il est également garde du corps, chargé de la distribution des pensions dans les mairies (elles étaient alors payées en espèces et transportées dans une sacoche).

 

Puis il travaille chez un architecte lyonnais, en tant que perspectiviste. Il apprend à construire une perspective temporelle avec les ombres et les lumières de chaque moment de la journée, tout en suivant les cours du soir dans une annexe des Beaux-Arts.

LES ANNÉES CHARNIÈRES

1956 – 1959

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GRATALOUP derrière un décor pour le mess des officiers en 1956

De 1956 à 1958, il effectue son service militaire à l’État- Major des forces de l’OTAN en Allemagne. Il crée des décors pour le mess des officiers. Il est alors très influencé par Picasso et les surréalistes. C’est à cette occasion qu’il signe les décors du prénom de « Rachel » qu’il va adopter définitivement à partir de cette date.


À Berlin, Il fréquente les galeries et les musées qui commencent à présenter les avant-gardes et notamment les toiles de Soulages. En 1958, de retour à Lyon, il suit des cours dans l’atelier de peinture de René-Maria Burlet2 du groupe « Témoignage ». C’est là qu’il rencontre Claude Long, qui pose comme modèle et qu’il épousera l’année d’après.


Il participe à une exposition de groupe de l’Association des Étudiants Lyonnais, organisée par Alain Crombecque, son ami de jeunesse, qui deviendra plus tard le Directeur du Festival d’Avignon et celui du Festival d’Automne à Paris. Alain Crombecque sera également le bras droit de Michel Guy, Ministre de la culture de 1974 à 1976.

Je ne parlais pas l’allemand. Je suis sur la Kurfürstenstrasse quelques années après la guerre, en 1956.

Je rentre dans une galerie qui montre des lithographies de Pierre Soulages. Quel plaisir !
Puis, je vais au cinéma voir le « Kid » de Charlot. L’art est de toutes les langues.
Il n’y a pas de frontière dans la compréhension des œuvres !

ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE DE CACHAN

1959 – 1963

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Lassé des petits métiers, Grataloup décide de reprendre ses études et de passer le concours de l’École Normale Supérieure. Il est reçu à l’École Normale Supérieure de Cachan dès l’issue de sa première année de «prépa». Il a 24 ans. 


À l’E.N.S, il rencontre Jacques Zwobada, sculpteur et professeur à l’École des Beaux-Arts qui va beaucoup le soutenir. Grataloup le considère comme son maître pour le dessin. C’est lui qui l’incitera à passer son prix de Rome en 1967, à sa sortie de l’E.N.S. 

 

Il fait aussi la connaissance de Claude Chevreuil, qui deviendra l’un de ses meilleurs amis. Il est le créateur de « La Butte », journal des évènements de l’E.N.S de Cachan, où Grataloup fait des illustrations. Un jour, Claude Chevreuil enverra le journal à Jean Cocteau qui répondra par un poème inédit ponctué de fautes d’orthographe… ! Claude Chevreuil demande à Jules Romains de monter la pièce de théâtre, Volpone, pour laquelle Grataloup crée les décors.


En sortant de l’E.N.S en 1963, Grataloup est nommé professeur de dessin et d’arts appliqués au Lycée technique de la Salle à Saint- Germain en Laye. Le 30 septembre 1961, il épouse Claude Long, rencontrée en 1958, Le mariage sera de courte durée. Le divorce sera prononcé deux ans plus tard.

Jacques Zwobada, sculpteur et professeur à l’École des Beaux-Arts en 1960

Zwobada me donnait rendez-vous au « Café des Deux Magots » pour parler de peinture et de sculpture.
Lorsqu’on se séparait, je trouvais toujours quelques billets qu’il avait glissés dans mes poches.

AGNETA

1962

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GRATALOUP et Agneta Olu Munther au moment de leur mariage

En 1962, rue de Seine, au café faisant face à celui de La Palette, Grataloup rencontre une jeune suédoise, Agneta Olu Munther.  Agneta est en voyage d’études à Paris. Elle parle plusieurs langues et fait des traductions. Il l’épousera le 21 octobre 1966 à l’ambassade de France à Malmö (Suède). 


Dans la « stuga » familiale, petite maison rouge aux volets blancs au bord d’un petit lac voisin de Malmö, Grataloup a installé son atelier où il passe les mois d’été. Les étés sont marqués par les fêtes de la Saint-Jean où danses et rires se mêlent autour des feux de joie. Ce sont ces mêmes fêtes d’été qu’il reproduira des années plus tard, avec ses élèves de l’E.N.S, à Montvinot, la maison qu’il achètera en Seine-et-Marne.

Elle était passionnée de littérature. C’est elle qui m’a fait redécouvrir Dostoïevski avec « Les Frères Karamazov ». C’était d’ailleurs son livre de chevet. Avec elle, j’ai lu Strindberg, Tchekhov, Tolstoï…

LES BEAUX-ARTS

1963 1965

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Toutes les semaines, lors de la séance de correction, il y avait « le patron » qui passait.

Un jour, un ami peintre s’est trimbalé une toile de deux mètres dans le métro qui figurait une quelconque sombre mythologie avec un cheval. Legueult a fait une correction en prenant l’exemple de quelques centimètres sur cette grande toile et en le félicitant pour la qualité de son travail sur cette petite surface. Un peu déconfit, l’auteur a demandé ce qu’il en était du reste et du cheval. La réponse fusa : « Concernant le cheval, il faut le ramener à l’écurie ».

Et mon ami ramena chez lui sa toile par le métro…

GRATALOUP - Portrait d'Anne de Menthon - 1964

PORTRAIT D'ANNE DE MENTHON 

1964

Grataloup a emménagé avec Agneta dans l’une des chambres de bonne d’un grand appartement appartenant à la famille de Menthon, situé à Saint-Germain des Prés. Sa chambre donne sur les loges de l’École Nationale des Beaux-Arts où Grataloup vient d’entrer, dans l’atelier de Roger Chapelain Midy. La famille de Menthon reçoit de nombreux artistes. Avec elle, Grataloup séjourne parfois à Roussillon où la famille loue une maison. Il gardera des souvenirs très heureux de cette période de vie.

En 1964, souhaitant découvrir d’autres formes de peinture, il change d’atelier et entre dans celui de Raymond Legueult puis de Roger Chastel. Ce dernier aimait beaucoup le travail de Grataloup. À cette époque, la peinture changeait de problématique. Il y avait tous les évènements qui ont suivi 1968 et l’art était fondé sur une recherche créative. Dans la classe de Chastel, Rouan commençait ses tressages, Daniel Buren proposait une peinture protestataire en brandissant des rayures blanc et noir… Aux côtés de ses amis peintres, Viallat, Buraglio, Poli, Rouan, Kermarrec, Grataloup s’applique à une recherche artisanale et onirique de la création. Avec certains d’entre eux, il participe de fait à la création du mouvement Supports Surfaces.

“Ce dont je me souviens de Rachel, ce sont de très belles histoires, anecdotes de nos vies en communauté, que ce soit à Paris ou à Roussillon ; des réflexions sur la joie, la beauté, l’humour, l’Être humain, l’insolite, les prises de conscience… Autant de points de vue philosophiques, humanistes, spirituels et artistiques. Voilà la richesse de cette amitié qui a fait que la vie était plus supportable, voire plus merveilleuse qu’elle ne l’aurait été sans Rachel“.

Anne de Menthon

CASA DE VELÁZQUEZ

1966 – 1967

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D’un point de vue pictural, cette période a été la plus inventive de ma vie. À Paris, j’étais arrêté par le conceptuel.

GRATALOUP dans son atelier à la Casa  de Velasquez en 1966

En 1966, Grataloup est Lauréat de l’Institut de France pour la Casa Velázquez à Madrid. Il quitte la France pour Madrid, où il restera deux années en compagnie d’Agneta. Ces années vont être déterminantes. C’est en Espagne qu’il va créer une nouvelle forme de peinture, en rupture totale avec celle enseignée par les professeurs des Beaux-Arts qui ne reconnaissant alors que la forme « classique » de la peinture avec des peintres comme Renoir, Bonnard ou de Staël... Avec son ami Antoine Tisné, ils découvrent les merveilles du Prado et de l’Escurial, parcourent la Castille et l’Andalousie. Il rencontre les peintres Millares, Villalba, Pablo Serrano et les compositeurs Joaquin Rodrigo et et Luis de Pablo. Il restera à la Casa Velázquez jusqu’en 1967.


L’œuvre de Grataloup est très influencée par les paysages espagnols, de la « Valle de los Caïdos », de « Venta de Baños » et de Salamanque ainsi que par les contrastes lumineux chromatiques de la lumière de l’Espagne. Les quasi-déserts entre Madrid et Tolède l’impressionnent et donneront naissance à des toiles telles que La Chute de l’Ange ou La Tentation d’Ève. 

 

Plusieurs expositions sont organisées à Madrid au cours de ces deux années, à la Bibliotéca nacional (1966) ainsi qu’au Museo del Arte Contemporaneo (1967). Elles recevront un très bon accueil et seront l’occasion de nombreuses acquisitions.

CONCOURS DU PRIX DE ROME

1967

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En 1967, à la Cité Internationale des Arts, Grataloup décide de passer le concours du Prix de Rome de Peinture. Il a rapporté d’Espagne un certain nombre de toiles réalisées à la Casa de Velázquez qu’il va présenter en février 1967, en vue du concours de Rome, à un aréopage de professeurs des Beaux-Arts et de membres de l’Institut dont Rohner, Chapelain-Midy, Chastel, Legueux.

Mars 1967 : Les épreuves pour le prix de Rome débutent. Le sujet donné par le jury est « La Révolte des Forces Obscures ». Les élèves sont cloîtrés en petite loge et ont une journée pour faire l’esquisse du sujet proposé. Après le passage d’un jury, une douzaine de candidats est sélectionnée dont Grataloup. Les esquisses sont alors scellées, en fin de journée ou au rendu. Il n’est plus possible de les retravailler, ni revenir dessus. Les douze candidats sélectionnés entrent alors en grande loge pour une durée de trois mois. Ils doivent agrandir l’esquisse, sur un format de 100 Figure, 100 Paysage, ou 100 Marine, au choix, et réaliser dix toiles sur des sujets de leur sélection.


À l’issue de ces trois mois, les candidats exposent l’agrandissement de l’esquisse, ainsi que les dix œuvres réalisées dans une des grandes salles des Beaux-Arts. Le jury est composé de membres de l’Institut pour les trois-quarts, le quart restant par les professeurs des Beaux- Arts, dont Jacques Zwobada, qui a toujours soutenu Grataloup. Ce dernier attend le verdict dans un café devant l’école.

GRATALOUP : médaille du prix de Rome en 1967

Zwobada est sorti. Il m’a regardé en levant deux de ses gros doigts de sculpteur et m’a dit :

Tu es deuxième, le meilleur ; le premier c’est de la combine !

37, RUE HENRI BARBUSSE

1969

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GRATALOUP devant son atelier parisien au 37 de la rue Henri Barbusse

Mon atelier du 37 H.B, c’est enfin l’ «Atelier» avec un grand «A».
C’est celui qui «Était», qui «Est» et qui «Sera».

En 1969, lors d’une exposition au Salon de Mai à Paris, il fait la connaissance de Marie-Thérèse Pinto, sculpteur chilienne élève de Brâncusi, amie des surréalistes, qui lui indique qu’un atelier va se libérer à côté du sien, au 37 rue Henri Barbusse, Paris 5ème.


Grataloup y emménage la même année. Grâce à Marie-Thérèse Pinto, il va rencontrer César, Étienne Martin, Léonore Fini. La cour sera également le lieu de rencontre de nombreux artistes : Francis Bacon, Michel Leiris… C’est dans cet atelier « mythique » qu’il produira une très grande partie de son œuvre.


À la mort de Marie-Thérèse Pinto, l’atelier de celle-ci sera transformé en habitation. En 1990, Grataloup en fera l’acquisition, sans doute guidé par l’esprit de Marie-Thérèse… Il l’occupe encore aujourd’hui et y organise tous les ans son rituel Brunch de fin d’Année. Depuis 2010, il reçoit à cette occasion ses amis ainsi que ses fidèles et nouveaux collectionneurs auxquels il présente ses dernières toiles.

FRANCES

1969

En février 1969, à Montparnasse, au Restaurant des Artistes, Grataloup fait la connaissance d’une jeune écossaise, Frances Crabbie, qui revient d’un voyage en Afrique du Sud. Il se sépare alors d’Agneta et part avec Frances à la Villa Médicis à Rome, où il est invité par Anne et Patrick Poirier. 

 

Dans les premières années de leur vie en commun, ils achèteront un camping-car et parcourront la France durant les vacances. Ce seront des années de joie et de questionnement sur les libertés. Grataloup gardera des souvenirs heureux de ces moments partagés.

En 1968/1969, c’était l’année de la révolte mais aussi celle des rencontres, des discussions sans fin où se mêlaient Mao, Cohn Bendit, la culture et l’art officiel des dictatures parsemées dans le monde. Cela se passait dans des lieux qui étaient déjà rôdés à ce jeu depuis longtemps : «La Coupole», «Le Sélect» ou «Le Restaurant des Artistes», où j’ai rencontré Frances.

Frances Crabbie 1969

“We met by chance and we never wasted time discussing why art was his necessary language. He continuously searched for original ways to express himself using a simple lead pencil to rub a stone, seaweed or later lacerated drawings with wax pastels to create multiple coloured pictures. This experimentation took place on the Irish beach in summer 1969. It gave him a new technique to express himself until the present day. Bravo Rachel for your perseverance in searching beauty for our eyes and souls”.

Frances Crabbie

VILLA MÉDICIS ROME

1970

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Au printemps 1970, Grataloup part à Rome à la Villa Médicis où il est invité par Anne et Patrick Poirier. Anne a obtenu un Premier Grand Prix de Rome en sculpture, Patrick, un Second Prix de Rome partagé avec Rachel. Son atelier, dans l’enceinte même de la Villa, donne sur les jardins du cloître des sœurs de l’église de la Trinita dei Monti. C’est une superbe pièce, ornée de fresques en bandeau sur le haut des murs. L’équipement est sommaire : un grand lit et un point d’eau. Pour se laver et atteindre les douches, les pensionnaires doivent traverser une passerelle construite au XIXème siècle, située à l’étage de la Villa et surplombant les jardins des sœurs, lesquelles gardaient sensiblement les yeux posés sur leurs cultures, les pensionnaires passant souvent en peignoirs de bain.


Il était tout à fait exceptionnel d’habiter la Villa même. Les autres artistes, tels les sculpteurs, les peintres, travaillaient dans des ateliers situés dans les jardins. Le jardin de la Villa Médicis est superbe, empli de palmiers centenaires. Ce sont d’ailleurs eux qui vont inspirer l’artiste dans sa recherche, à cette époque, à travers la création des « Peintures Sériées » et de la première série des Palmiers à la Villa Médicis.


Grataloup ne restera que quelques mois à la Villa Médicis car il lui sera offert un poste à l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués de Paris, qu’il acceptera.

GRATALOUP dans les jardins de la Villa Médicis à Rome en 1970

À cette époque, la Villa était dirigée par Balthus. À mon arrivée, elle était drapée de noir. Balthus venait de perdre un enfant. Retiré dans son chagrin, il ne communiquait pratiquement pas avec nous.

À la Villa Médicis, il y avait un mur d’orangers disposés en espaliers et qui était d’un très bel effet ornemental. Frances, qui avait l’esprit pratique, les cueillit et en fit des confitures qu’elle distribua aux artistes de la Villa. Il y eut là un beau remue-ménage.

NAISSANCE DE JULIEN

1971

Le 15 octobre 1971, Frances donne naissance à Julien, aîné des enfants de Grataloup.

Dès qu’il a su tenir un crayon, quand je dessinais, il dessinait aussi. Quand je peignais, il peignait aussi.


Il a fait ses études à l’École Estienne et aujourd’hui, il est illustrateur et continue
son chemin inspiré…

Julien Grataloup dans les bras de son père

APPROCHE THÉOSOPHIQUE

1972

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En partant du principe théosophique où toutes les forces de la nature tendent vers la lumière, j’ai voulu,
comme l’a dit Hölderlin, « Remettre le principe de l’effort de la matière vers la lumière et vice-versa ».
En tant que réflexion indéfinie, elle n’avait pas de fin. Elle part symboliquement du sombre pour aller au clair.

GRATALOUP - GRAND EVEIL DU MINÉRAL - 1972

En 1972, en vacances, il se rend aux environs de Nice, au Domaine de l’Étoile où il rencontre celle qu’il appelle Tante Marthe. Elle va lui faire découvrir la théosophie et les théosophes avec des rencontres spirituelles comme celle de Jean Klein, disciple de Krishnamurti, Blavatsky et bien d’autres comme Alexandra David Neel.


Il devient alors membre de la Société Théosophique. La théosophie met l’accent sur le fait que la matière et l’esprit communiquent, tout en procédant, selon cette doctrine, d’une circulation d’énergies dans une communion cosmique du minéral, du végétal, de l’univers animal et humain. C’est à partir de cette recherche théosophique qu’il va réaliser les premiers Éveils du Minéral qui seront suivis des Éveils du Végétal.


Invité à Belle-Île-en-Mer par une amie de sa promotion à l’E.N.S, Grataloup découvre la côte sauvage et ses rochers. Ces mêmes rochers seront l’un des déclencheurs de ce contexte plasticothéosophique, à travers la série des Éveils du Minéral.

MONTVINOT

1974

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En 1974, il fait l’acquisition d’un ensemble de bâtiments à Montvinot (Seine et Marne) appartenant à un ferrailleur. Il s’agit d’une ancienne ferme composée de deux bâtiments entourant une cour centrale. La maison est alors dans un état déplorable. Des ferrailles jonchent le sol, dont certaines enterrées. Mais quelle vue extraordinaire depuis la maison !


Pour Grataloup et Frances, Montvinot est le lieu idéal du retour à la nature. Durant des années, ils vont s’employer à rénover les bâtiments. Frances va en faire le lieu de vie pour l’éducation de ses enfants, et Grataloup le lieu source de sa création.

À partir de 1974, c’était les « Années contestataires ». Ce sont celles qui ont suivi Mai 1968. C’était aussi le refus de la ville pour la campagne ; contestation doublée d’une spiritualité renouvelée.

GRATALOUP devant sa maison de MONTVINOT

Les bâtiments, de part et d’autre du corps central, sont transformés en ateliers : atelier d’hiver et atelier d’été. Grataloup installe une chapelle en leur milieu, décorée par lui-même ainsi que par son cousin, l’architecte Daniel Grataloup. Elle servira de lieu de méditation. L’artiste y installe un Grand Éveil du Minéral ainsi que des vitraux représentant un Arbre de Vie. Son souhait est de faire de ce lieu un phalanstère artistique à l’image de Moly-Sabata d’Albert Gleizes.


La maison sera revendue en 1991, quelques années après la séparation de Rachel et Frances. Elle est aujourd’hui occupée par des collectionneurs, amis du peintre, qui ont gardé intact l’âme de la maison.

VISION CRÉATION

1974 – 1986

Grâce à l’E.N.S, avec sa promotion de douze élèves professeurs chaque année, j’avais la possibilité de rechercher avec eux un enseignement nouveau qui correspondait à leur recherche personnelle. Il ne s’agissait plus de revoir d’une façon systématique les trois modes – compositionnel, ornemental et chromatique – mais bien de rechercher ce que Paul Klee disait, «Rendre visible l’invisible».

Toute une histoire…

GRATALOUP : Invitation à la fête du solstice d'été à Montvinot en 1986

Alors professeur à l’E.N.S de Cachan, Grataloup crée en 1971, avec ses élèves, le groupe « Vision Création ». L’idée était de donner une autre dimension au travail classique réalisé au cours de l’année par les élèves. Une exposition de leurs travaux était accrochée chaque année dans le grand hall de l’E.N.S.


La maison de Montvinot deviendra par la suite un lieu d’expression artistique à la disposition du groupe. Chaque année, le 21 juin et durant trois jours, à l’occasion des grandes fêtes du solstice d’été, de grands feux de Saint-Jean étaient allumés autour de chorégraphies et de l’icosaèdre de Rudolph Laban. L’idée de la lumière était de ne pas s’endormir durant la nuit du 21 juin pour voir, en pleine nature, la naissance de l’aube.

NAISSANCE D’ANTHONY

1979

Anthony Grataloup dans les bras de son père

Un doctorat européen bilingue Sorbonne / Cambridge.

Il a toujours été très British.


Je l’ai vu s’engager dans des causes écologiques et humanitaires.

C’est pour moi un réconfort et un espoir.

“ Les premières images de mon père ont d’abord été symboliques. En effet lorsque nous habitions à Montvinot, en Seine-et-Marne, il revenait de Paris tel un chevalier avec sa monture (ou plutôt sa voiture) ! Mon père ce héros qui avait vaincu un quelconque ennemi à Paris que j’imaginais sans merci… Puis, lorsque nous habitions à Paris et après la séparation d'avec ma mère, il m’arrivait souvent de passer le voir à l’atelier du 37, après mes cours au Lycée Lavoisier. Tout était dans la rue Henri Barbusse : ma mère au 22, mon père au 37 et le lycée au 17 ! Mon père, dans son atelier du 37, m’installait une table à dessin, me donnait un papier siglé « ENS » en petits caractères (pour École Normale Supérieure) et je dessinais avec lui à côté d’un vieux chauffage au gaz… À l’époque il n’y avait pas de toilettes dans l’atelier et il fallait traverser la cour pour accéder à celles de l’immeuble. J’étais obnubilé par ses gestes lorsqu’il peignait mais surtout quand il vidait totalement ses tubes de couleurs directement sur la toile pour y ajouter un effet « matière » ; de même, lorsqu’il frottait ses feuilles de dessins sur la matrice originale aux pastels gras de couleurs. C’était à la fois un travail d’artiste mais en quelque sorte aussi celui d’un artisan. Je lui posais aussi des questions sur ses élèves et comment il les notait (j’étais fasciné par son carnet rempli de notes sur 20). Ceci expliquera aussi ma passion aujourd’hui pour l’enseignement supérieur et cette noblesse
républicaine du savoir et de l’excellence… Le mercredi midi, nous allions au café restaurant le Gamin de Paris (tout un symbole), situé à deux pas, rue du Val-de-Grâce où nous racontions notre semaine passée et à venir. C’était une sorte de rituel père/fils. Enfin, à Chevreuse, c’est tous les week-ends que je rejoignais mon père (encore un peu aujourd’hui) pour retrouver cette nature magnifique qu’est le Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse. L’amour de la Nature, hérité de mon enfance à Montvinot, est resté intact… “.


Anthony Grataloup

LA MAISON ATELIER DE CHEVREUSE

1989

L’atelier de Chevreuse, c’est mes toiles en 3D.
Il est posé en transparence avec la nature et dans la différence avec l’atelier de Paris, qui, lui, n’a pas d’existence nouvelle et qui contient des souvenirs du début.
Celui-là est arrivé vide de sens, et maintenant se remplit de connexions, d’inventions, tout ce qu’un peintre peut désirer.

En 1989, Grataloup va installer une maison-atelier à Chevreuse, sur des plans dessinés par son ami architecte, Denis Sloan. La construction, strictement orientée sur les points cardinaux, est conçue avec une rigueur toute cistercienne. Son tracé est parfaitement symétrique par rapport à un hall situé dans l’axe est-ouest, à partir duquel sont organisés les divers volumes. Du côté nord, le grand atelier règne sur toute la hauteur. Du côté sud sont disposés les appartements.


Pour l’artiste, cette maison est une sorte de transposition métaphorique de certains thèmes employés dans son œuvre. À travers les nombreuses ouvertures vitrées, on retrouve les rayons de lumière, si présents dans son œuvre : les « V », par exemple, symboles d’une lumière retrouvée.


Grataloup travaille aujourd’hui quasi exclusivement dans cet atelier de Chevreuse, où il peut réaliser ses grands formats.

MILENA

1989

Cette même année, Grataloup va rencontrer celle avec qui il partage sa vie aujourd’hui, Mireille Cheynet de Beaupré, qu’il va appeler Milena en référence aux origines slaves de sa famille.

 

Quelques mois après la rencontre, elle arrête le théâtre qu’elle pratique depuis quelques années à l’École de Théâtre Tania Balachova, pour se consacrer notamment à la peinture, qu’elle considère comme un art majeur et qui la fascine. Elle découvre les toiles entassées dans le petit atelier du 37 H.B et passe des heures à observer le travail du peintre. Très vite, elle va devenir son assistante et l’aider dans son travail de création, réalisant par exemple la pose des fonds et des feuilles d’or.


Diplômée en communication, elle va, par la suite et tout au long de sa vie, participer à l’organisation de nombreuses expositions,
éditions de catalogues et opérations de communication. 

Leur mariage a été célébré à Neuilly-sur-Seine le 22 juin 1991.

Je trouvais que le prénom de « Mireille » ne lui allait pas du tout. Elle ne l’aimait pas non plus. « Milena » s’est imposée pour moi comme une évidence.
C’est par la suite que j’ai appris que son grand-père était d’origine slave…

Mireille Milena Cheynet de Beaupré en 1989

“Je venais d’arriver à Paris. Passionnée par le théâtre, je travaillais avec Vera Gregh, dans son Théâtre-École à Montmartre. Tous les soirs, je m’empressais de la rejoindre et, avec une bande de comédiens dont certains sont célèbres aujourd’hui, on travaillait jusque tard dans la nuit. Un jour, un ami m’a demandé de l’accompagner à un dîner après mes cours. C’était chez des amateurs d’art, rue du Faubourg Saint Honoré, à Paris. Un immense appartement où tout me semblait un peu hors mesure. Il était déjà très tard dans la soirée et on attendait un peintre qui n’arrivait jamais. Par un de ces hasards qui n’en sont jamais, je me suis retrouvée placée à table à ses côtés. Il racontait la peinture, l’impressionnisme, Cézanne, des histoires d’assiettes et de verres qui s’entrecoupent dans l’espace, tout en fabriquant, entre ses doigts, de petites pyramides de mie de pain qu’il plaçait autour de mon assiette, sans m’adresser une quelconque parole. Peu avant la fin du dîner, devant l’assemblée interdite, il se tourna vers moi et déclara : « Ce soir, j’ai rencontré la femme de vie, celle que j’ai toujours cherchée. Elle est assise à côté de moi ». Puis il se leva et me dit : « Venez, on s’en va, je vous offre une coupe de champagne à la Closerie ». Je me souviens surtout du regard interloqué de l’ami qui m’avait invitée à cette soirée. Coutumière des scènes de théâtre, je ne savais plus très bien si cette tirade appartenait à la fiction ou à la réalité. « Je suis venue ce soir avec un ami et je pense que je vais repartir avec lui » ai-je répondu. « Donnez-moi votre carte ; si j’en ai envie, je vous appellerai ». Quelques jours après, alors que je racontais cette aventure à une de mes amies peintre qui faisait mon portrait (à ce moment-là je posais souvent comme modèle pour arrondir mes fins de mois), je ressentis soudain l’impulsion qu’il me fallait composer le numéro de téléphone qu’il avait griffonné sur sa carte, sur laquelle on pouvait d’ailleurs voir une photo de lui. « C’est vous ? Je vous attends à la Closerie des Lilas. Prenez un taxi, je vous le rembourserai. Je sais ce qu’est la vie d’étudiante ». C’est un sentiment d’urgence qui m’a fait interrompre le déjeuner que je partageais avec mon amie, m’a propulsée dans un taxi qui m’a conduit à la Closerie des Lilas. Grataloup m’y attendait. Deux coupes de champagne étaient posées sur la table devant le bar. Nos regards se sont croisés. Nos mains se sont touchées. Aucune parole n’a été échangée. Tout était dit. Plus tard, dans la nuit, alors qu’il m’avait conduite dans son atelier de Chevreuse et fait découvrir les immenses toiles de lumière dans son grand atelier, alors que je dormais à ses côtés pour la première fois, j’ai ressenti une forme de désincorporation qui m’a transformée en rayon lumineux, rayon que mon esprit avait dû capter inconsciemment au moment de la découverte de ses toiles dans le grand atelier… À partir de ce jour, on ne s’est plus jamais quitté ».

 

Milena

NAISSANCE DE CONSTANT

1994

Le 25 mai 1994, Milena donne naissance à Constant. Grataloup va alors réaliser toute une série de toiles pour célébrer la naissance de son fils.

Constant Grataloup dans les bras de son père

Comme son prénom le dit,
Constant ne lâche rien. Sa
pugnacité l’entraîne vers des
contrées à découvrir.


Sa route volontaire le conduit vers ses passions, celle d’être le meilleur.

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DÉPART EN RETRAITE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

1996

Je n’ai jamais arrêté de rechercher l’aventure picturale. J’ai toujours été certain que l’enseignement était une chance pour moi de soutenir ma pensée, donner une réponse aux questionnements de la demande permanente des étudiants, ouvrir ainsi le canal de la recherche, donner ce que je savais, ce que l’on m’avait déjà donné, cette chaîne vivante.

 

Merci à tous, je ne vous quitte pas, je reste par mon travail et ma présence.

À soixante-et-un ans, Grataloup décide de prendre sa retraite de l’Éducation Nationale. Il quitte l’E.N.S où il était entré en tant qu’élève professeur en 1960, la rejoignant à nouveau de 1970 à 1992, successivement en qualité de chargé de cours puis de Directeur d’Études de la section Art et Design. En 1992 et jusqu’à son départ, il aura été conjointement Directeur de Recherche du département Art et Création Industrielle, fondateur et Directeur du Centre de Recherche en Art et Création Industrielle (CREACI). Une cérémonie est organisée à l’E.N.S de Cachan en présence de Bernard Decomps, directeur de l’école et de ses amis professeurs.

 

Pour l’artiste, il s’agit d’une décision difficile mais dictée par sa volonté de poursuivre à temps complet sa recherche picturale.


Quelques années auparavant, Grataloup avait été élevé au grade de Commandeur des Palmes Académiques, en reconnaissance de sa carrière d’enseignant.

UNE FONDATION GRATALOUP À NANTUA

2005 – 2006

Novembre 2003 : alors qu’il peint dans son atelier de Chevreuse, Grataloup est appelé par une journaliste de Nantua qui lui propose de renouer avec sa ville natale à travers un projet de fondation mené par un industriel très impliqué dans la vie culturelle locale, Hervé Vion Delphin. Très vite, un comité de soutien est créé incluant des personnalités telles Jacques Rigaud, Michel Tournier, Jacques Julliard, l’avocat Paul Lombard et des industriels mécènes : Miguel Sieler, Pierre Richard ainsi que des amis parmi lesquels Denis Sloan, qui dessine rapidement un projet de fondation pour les bâtiments. Une souscription est lancée afin de récolter les fonds nécessaires. L’année suivante, Bruno Pellegrini, maire de Port, commune voisine de Nantua et Président de la communauté de communes Lac de Nantua, rejoindra le comité de soutien et apportera une aide importante au projet.


Le projet de fondation n’aboutira pas, à la grande déception de ses instigateurs. Les fonds collectés serviront à la création d’une grande mosaïque murale, inaugurée en 2014 en présence du maire de Nantua, des élus de la région, des habitants de Nantua et des communes alentours, ainsi que de tous ceux qui avaient collaboré à cette grande aventure.

Je ne saurai dire tout le bien que je pense de la beauté naturelle de mon pays natal, le Haut-Bugey. Il manque cependant un lieu culturel contemporain. Il y a en effet l’abbatiale clunisienne du Xème siècle avec son magnifique «Martyre de Saint-Sébastien» de 1836 de Delacroix, avec son orgue classé monument historique. L’idée est venue de créer une fondation sur mon travail pictural et urbain.

 

Malheureusement le projet n’a pu aboutir. Je pense qu’on aura manqué un parcours culturel idéal : l’abbatiale, la fondation d’art contemporain et le très beau monument aux morts de Leygue qui fut mon professeur de sculpture.

Mosaïque GRATALOUP à Nantua

CHEVALIER DES ARTS & LETTRES

2019

Le 12 mars 2019, Grataloup est nommé "Chevalier des Arts & Lettres" par le Ministre de la Culture, Franck Riester, pour sa contribution apportée au rayonnement des Arts et des Lettres en France et dans le monde.

MUSÉE GRATALOUP

2021

En 2020, une association présidée par Milena est créée pour la création d'un musée à Chevreuse.  

 

En juillet 2021, une convention de mise à disposition du Prieuré Saint-Saturnin est signée avec la ville de Chevreuse pour héberger le musée.

Ce projet culturel est pensé de manière à montrer la recherche plastique de Grataloup sous ses différentes formes : peintures, objets, dessins et art urbain. 

Musée GRATALOUP au Prieuré Saint-Saturnin à Chevreuse

DISPARITION DE GRATALOUP 

16 janvier 2022

Il est monté droit dans la lumière.

 

Il tenait beaucoup à vous tous qui l’avez aidé dans sa peinture.

 

Là où il est, il continue à nous regarder.

 

Il a emporté ses pinceaux dans les étoiles.

Milena

Near Death Experience - 2007 - LA MORT D'ADAM
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